Historique
1. Historique Les organismes vivants sont le siège d'un grand nombre de réactions biochimiques très diverses. Ces réactions s'effectuent dans des conditions où, normalement, elles ne pourraient se faire. Si elles ont lieu, c'est parce qu'elles sont catalysées par des macromolécules biologiques : les enzymes. Le pouvoir de catalyse des enzymes est lié, entre autre, à la très haute spécificité de reconnaissance des molécules sur lesquelles elles agissent. L'enzymologie est la partie de la biochimie qui étudie les propriétés structurales et fonctionnelles des enzymes (relation structure - fonction). Il est difficile de situer exactement la découverte de la notion d'enzyme et surtout d'enzyme en tant que seul catalyseur des réactions chimiques qui se déroulent dans les organismes vivants. 1783 : Lazzaro Spallanzani : A rapporté que la viande est liquéfiée par un extrait gastrique. Il a noté également que la température a un grand effet. 1814 : Constantin Kirchhoff : observa qu'un composant "glutineux" (comme il l'a appelé à l'époque) de blé convertit l'amidon en sucre. 1833 : La première découverte d'une enzyme est d'habitude attribuée à Anselme Payen et Jean-François Persoz [Payen A & Perzoz J (1833). Ils ont traité un extrait aqueux de malt à l'éthanol puis précipité une substance labile à la chaleur qui hydrolyse l'amidon. Ils ont appelé cette fraction "diastase" ("séparation" en Grec) puisque cette fraction sépare le sucre soluble de l'amidon insoluble.
1834 : Theodor Schwann : a obtenu le premier un agent actif d'origine animale (la pepsine) qu'il a partiellement purifiée en traitant la paroi stomacale par l'acide. Le concept de catalyse provient de l'observation de l'action de la diastase et de la pepsine parallèlement à celle de la levure pendant la fermentation. 1838 : Charles Cagniard de Latour : montra que le processus de fermentation est dû à des organismes vivants. 1858 à 1871 : Les travaux de Louis Pasteur confirmèrent cette idée. Pasteur émit l'hypothèse révolutionnaire que les changements chimiques lors de la fermentation résultaient des processus de la vie des micro-organismes impliqués dans la fermentation. A l'opposé, Justus von Liebig privilégiait une théorie purement chimique : un "ferment" était une substance chimique produite par un organisme en décomposition et les atomes de ce ferment étaient supposés en mouvement incessant. 1860 : Marcellin Berthelot : fit macérer de la levure et obtient une fraction précipitable à l'alcool capable de convertir le sucrose en glucose plus fructose. Il conclut que l'invertase (nom qu'il donna à l'agent actif de cet extrait) était l'un des multiples ferments présents dans la levure. L'invertase est la β-fructofuranosidase (E.C. 3.2.1.26). 1876 - 1877 : Wilhelm Kühne : a découvert la trypsine dans le liquide pancréatique de l'intestin de bœuf. Il a conclu que la trypsine était initialement inactive puis convertie en sa forme active. Cette observation est à la base de la notion de précurseur inactif des protéases que l'on appelle zymogène et de l'activation de ce zymogène par (auto)protéolyse. 1878 : Wilhelm Kühne : proposa le nom d'enzyme.
L'addition du suffixe "ase" au nom du substrat d'une enzyme pour dénommer cette enzyme fût proposée par Emile Duclaux en 1898. 1896 : Un chimiste allemand, Martin Hahn, tentait d'isoler des protéines de levure (Saccharomyces cerevisiae) en broyant ces levures dans un mortier avec du sable fin et de terre de diatomées. 1897 : Gabriel Bertrand observa que certaines enzymes requièrent des facteurs dialysables pour leur activité. Il les nomma coenzymes. |
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Au début du 20 ème siècle, de gros travaux furent entrepris pour purifier des enzymes et surtout décrire leur activité catalytique en termes mathématiques. 1902 : Victor Henri et Adrian Brown suggérèrent indépendamment que la formation d'un complexe enzyme - substrat est un intermédiaire obligatoire de la réaction enzymatique. Victor Henri fût donc le premier à décrire l'équation mathématique reliant l'effet de la concentration du substrat à la vitesse de catalyse. 1913 : En étudiant les propriétés catalytiques de l'invertase (sucrose ==> fructose + glucose), Maud Menten et Leonor Michaelis redécouvrirent l'équation de Victor Henri et établirent la relation connue sous le nom d'équation de Henri - Michaelis - Menten. Ils en interprétèrent correctement la signification des constantes. |
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Le fait que les enzymes sont des protéines ne fût accepté qu'à partir de la fin des années 20. 1926 : James Sumner cristallisât l'uréase. Années 30 : John Northrop et ses collaborateurs cristallisèrent le pepsinogène, la pepsine et plusieurs isoformes de la trypsine et de la chymotrypsine et démontrèrent la pureté des cristaux obtenus. Années 40 et 50 : Des centaines d'enzymes furent purifiées et cristallisées.
1955 : Frédéric Sanger publia la séquence complète en acides aminés d'une petite protéine : l'insuline (masse molaire 6000 Da). Années 60 : La première séquence d'une enzyme (la ribonucléase, masse molaire 13700 Da) fût publiée en 1960 et la première synthèse chimique (également de la ribonucléase) fût obtenue en 1969. Les biochimistes focalisèrent alors sur le mécanisme de l'activité enzymatique et son mode de régulation. 1958 : Daniel Koshland a proposé le modèle de l'ajustement induit. Le substrat induit un changement conformationnel du site actif de l'enzyme. 1963 : William Wallace Cleland proposa une procédure claire et uniforme pour écrire les équations des cinétiques des systèmes enzymatiques à plusieurs substrats. 1965 : Jacques Monod , Jeffries Wyman et Jean-Pierre Changeux proposèrent un modèle cinétique (modèle MWC) pour les enzymes allostériques (enzymes dont la courbe de vitesse en fonction de la concentration en substrat est une sigmoïdale et non une hyperbole). 1966 : Daniel Koshland, Georges Nemethy et D. Filmer généralisèrent le modèle précédent (modèle KNF) en incluant la notion d'ajustement induit proposé par Koshland. |